La Pénitence

Chers amis, dans deux semaines, le carême commencera. C’est le temps de nous rappeler que nous ne sommes que peu de chose. «Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras poussière». Cette phrase prononcée lorsque la cendre est appliquée sur notre front précise avec force la signification de ce geste. Adam était poussière d’argile qui devait passer du paradis terrestre au Paradis céleste sans mourir, sans expérimenter ce drame de la séparation de l’âme et du corps, du principe spirituel et de la matière qui redevient poussière. Il a perdu pour lui et l’humanité le don d’immortalité par sa faute, désignée comme péché originel. Mais ce n’est pas tant pour nous lamenter sur le passé, ni pour nous effrayer de la mort future que les cendres nous sont imposées, c’est pour nous faire expérimenter dans le présent notre néant et ainsi nous inviter à la conversion immédiate, qui n’a jamais intérêt à être remise au lendemain, car peut-être que, pour nous, demain ne sera pas. Se convertir signifie se tourner vers Dieu et attendre de lui son secours, le posséder dans notre coeur, s’ouvrir plus profondément et entièrement à la grâce de Dieu.

 

La Bienheureuse Elisabeth de la Trinité le souhaitait joliment à sa Sous-Prieure dans une poésie qu’elle écrivit pour sa fête : «Que la grâce de Dieu t’inonde et t’envahisse/ Se répandant  en toi comme un fleuve de paix./ Sous ses tranquilles flots qu’elle t’ensevelisse/ Pour que rien du dehors ne t’effleure jamais./ En cette profondeur, ce calme et ce mystère/ Tu seras visitée par la Divinité,/ C’est là que je te fête en silence, ô ma Mère,/ Adorant avec toi la Sainte Trinité.»(O.C., Cerf, p. 1039). Le carême évoque pour nous la pénitence, inséparable de toute conversion véritable. Il faut expier nos fautes car elles ont blessé le Coeur de Dieu. Le pardon, dans une démarche d’amour vraie, ne suffit pas. La réparation s’impose. Le Christ nous invite à le suivre vaillamment sur le chemin du sacrifice. Ainsi nous ne faisons plus qu’un avec le Christ; la pénitence n’est plus ce petit effort ascétique et pénible qui n’aurait pour but que de nous rendre un peu plus fort, il est imitation de Jésus-Christ. Mieux encore, la pénitence quadragésimale, par le jeûne, l’aumône et la prière, nous assimilant plus pleinement au Christ nous permet de collaborer au salut du prochain. La communion des saints s’exerce ici de très belle manière. Empruntons à la bienheureuse carmélite de Dijon ces mots qui récapitule cette pensée : «...avoir part aux souffrances de mon Époux crucifié et aller avec Lui à ma passion pour être rédemptrice avec Lui.» (Lettre 300, ibid, p. 729).

Que chacun en conséquence avance en eaux profondes, sans peur mais avec une foi renouvelée dans la nécessité de la pénitence et de ses fruits pour soi et les autres. 

 

Bon et saint Carême.

 

Chanoine Tancrède Guillard