Editorial
Le mois de décembre ou un conte de Noël
par le Chanoine Thibaut de Ternay
Le mois de décembre, l’hiver fait son apparition, les pistes en hautes et moyennes montagnes s’enneigent, les skis sont de sortie, on concocte les plats d’hiver, une raclette vous attend à tel ou tel endroit, un feu de cheminée crépite ou entre deux contes nous trempons nos lèvres dans un armagnac de grande qualité, celui du grand-père qui nous a quitté l’an dernier ; une douceur nostalgique nous envahit. L’hiver, il y a mille manières de le rendre aimable, il suffit de rêver.
Cependant si nous l’appréhendons avec l’âme nous voyons la belle barbe du grand saint Nicolas qui nous apporte dans sa hotte grande à faire rêver tous les enfants, ses cadeaux. C’est le 6 décembre et nous sommes heureux si nous pouvons toucher sa barbe, il paraît même, lorsqu’on y arrive, qu’il nous propose de faire un tour dans sa hotte. Figurez-vous, un jour déjà lointain, j’avais justement touché la barbe du grand saint Nicolas ! Il me dit dans l’oreille : « Veux-tu monter dans ma hotte pour faire un voyage, le voyage de Noël. » Mon cœur battait, ma joie exaltait, me voici dans la hotte et soudain surpris par le chant mélodieux du « Tota pulchra es » je me redressais un peu pour voir ce qui se passait. Et là, surpris, je vis un spectacle qui est resté gravé dans mon cœur à tout jamais.
Il y avait des anges qui chantaient le « Tota pulchra es » tout en tenant comme un Thabor sur lequel il y avait une grande et belle Dame toute vêtue de bleu, un visage d’une grande douceur. Figurez-vous que c’était, j’ose à peine vous le dire tellement j’en ai encore des frissons de joie, oui vous l’avez peut-être deviné c’est... Vais-je y arriver ? Oui : l’Immaculée Conception, Marie la maman de Jésus. Je me souviens, j’apprenais à lire et tout naturellement parce que j’avais entendu les grands dirent que Saint Luc était le spécialiste du mystère de Marie et de Jésus, j’ai laissé tomber la 6ème compagnie et le club des 5 pour ouvrir l’évangile de Saint Luc. Tout en lisant et tout en regardant cette belle Dame d’une grande douceur, un peu comme grand-mère à condition d’avoir été gentil avec elle, je compris pourquoi le Bienheureux Pape Pie IX l’appelait l’Immaculée Conception et même cette vérité de Foi est un dogme. Marie, la maman de Jésus n’a jamais fait de péché personnel, même pas un seul. Moi qui aimais bien prendre un bonbon, comme cela au détour d’une inattention, car j’avais remarqué que les grandes personnes peuvent être distraites, j’étais impressionné, comment elle a pu faire, même pas dérober un bonbon ? Non, Elle n’a jamais péché je me disais en moi-même et saint Nicolas de me chuchoter à l’oreille comme s’il était entré dans mes pensées : « Elle a même été conçue sans le péché Originel ». Ces mots étaient compliqués pour le petit enfant que j’étais mais je compris que c’était très important et que cette grande et belle Dame tout de bleu vêtu était la plus importante des dames qui pouvait exister. Depuis, elle ne me quitte plus et chaque année pour me préparer à cette grande fête du 8 décembre : l’Immaculée Conception, je suis heureux de chanter : Tota pulchra es Virgo Maria…
Saint Nicolas me dit : « accroche-toi bien à ma hotte, le voyage n’est pas fini ». Je n’en reviens pas ! Qu’allons-nous voir de mieux encore, est-ce possible ? Je vois la Tota Pulchra Es me sourire avec une certaine malice, un peu comme ma grand-mère quand elle voulait me surprendre sauf que cette grande et belle Dame, elle était toujours jeune. Nous voici partis pour ce grand voyage jusqu’à une terre qui est devenue sainte. Vous allez comprendre pourquoi mais avant, nous avons 7 étapes à franchir qui correspondent aux 7 antiennes du Magnificat que nous chantons entre le 17 et 23 décembre. Ô Sagesse, sortie de la bouche du Très-Haut ; Ô Adonaïe, guide du peuple d’Israël ; Ô Fils de la race de Jessé ; Ô Clef de la cité de David ; Ô Orient, splendeur de la Lumière éternelle ; Ô Roi des nations ; Ô Emmanuel, notre roi et législateur. Nous n’étions pas tout seul, à chaque étape il y avait tous les Justes de l’Ancien-Testament, mais il y avait aussi toute la Cour Céleste du Nouveau-Testament et tous les bons Anges, Saint Gabriel en tête. Les grands m’ont expliqué que c’était une délicatesse de Saint Michel car normalement c’est lui qui est en tête, mais là non. J’ai compris que même les anges ont des missions spécifiques, depuis j’ai une grande dévotion pour mon Ange Gardien. Toutes ces Antiennes étaient chantées en grégorien, en latin, une des langues sacrées de l’Église. Que c’était beau, un peu comme à Gricigliano, vous savez le séminaire de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre au cœur de la Toscane où Dieu parle Français !
Je m’assoupis un peu et en me réveillant, il y avait toujours le bon saint Nicolas et tout ce beau monde joyeux, toujours de bonne humeur. Moi qui de temps en temps me roulait par terre de colère, j’étais impressionné et je n’avais plus envie de me mettre en colère. Je ne perdais pas le nord pour autant car sous mes petits pieds je sentis quelque chose, comme si notre bon saint Nicolas avait durant mon sommeil déposé un cadeau, un cadeau de Noël ! Le mot est lancé mais n’anticipons pas ! Je découvre, une paire de jumelle. En regardant avec cet étrange objet, j’avais l’impression d’être un savant, un visionnaire comme Jules Verne. Je ne l’avais pas lu car j’étais trop petit mais mon grand frère, le lisait et il aimait bien le raconter au coin du feu mais sans l’armagnac car il n’était pas bien grand non plus. En regardant avec cette paire de jumelles, que vois-je au loin, les Rois Mages se mètrent en route, vers où ? je ne le savais pas encore mais au-dessus d’eux, il y avait comme une étoile bien mystérieuse. Quand je vais raconter tout cela à maman, va-t-elle me croire ? Je la connais bien, elle va me dire : « Tu n’es pas Tintin » ! Tintin ou pas, moi j’y crois ! Les Rois Mages c’est impressionnant. Il me revient à l’esprit ce que disait papa à propos des dépouilles de la Samarie, toujours au coin du feu mais lui avec un armagnac à la main et de temps en temps après tout un savant rituel il le goûtait, avec mon frère nous aurions aimé être grand comme papa. « Les dépouilles de la Samarie, ce sont les Mages eux-mêmes, qui, après avoir connu le Christ, après être venus le chercher sur la foi de son étoile, leur témoin et leur guide, après l’avoir adoré humblement comme leur monarque et leur Dieu, représentaient par leur foi nouvelle dans le Christ les dépouilles enlevées à la Samarie, c’est-à-dire à l’idolâtrie vaincue. » Mon frère et moi, nous nous regardions avec fierté, papa est un savant ! Quelques années plus tard, je suis tombé sur la page 497 du livre « Les Rois Mages dans le mystère chrétien » du Chanoine Grégoire de Guillebon, prêtre de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre. Qu’écrivait-il dans cette page 497, la même chose que papa, comme quoi, ce que me disait feu l’abbé Chanu : « Ma science se trouve dans mes livres » se vérifiait. Papa avait lu le chanoine Grégoire de Guillebon, incroyable !
Il est temps de ranger la paire de jumelle car nous arrivons à Bethléem, saint Nicolas me dépose devant une grotte, il y a une grande lumière. Je retrouve la grande et belle Dame mais cette fois-ci à côté de son mari, Joseph. Je l’ai tout de suite reconnu car j’avais lu saint Luc. Entre les deux un petit bout d’homme magnifique : Jésus appelé en hébreux Emmanuel : Dieu avec nous. Plus extravagant, il y avait au-dessus de Jésus un âne et un bœuf qui ajoutaient un charme à l’endroit quelque peu atypique pour naître. En voyant cette bonne compagnie je n’ai pas pu m’empêcher en m’approchant de Lui, de lui faire un tendre bisou en lui disant, chez feu mon grand-père nous avons 4 vaches laitières, si tu veux je peux t’apporter du bon lait. Jésus me sourit et la belle Dame, l’Immaculée Conception : Marie, me fie comprendre avec des mots très touchants qu’elle s’en occupait. Elle me dit même « Je suis médiatrice de toutes les grâces ».
C’est ainsi que touchait à sa fin le voyage de Noël grâce au bon saint Nicolas. Je m’en allais avec tant de choses à raconter tout en entendant les anges chanter le Gloria in excelcis Deo. En même temps je restais car Noël c’est comme être au Ciel et le Ciel c’est être en Dieu.
Joyeux Noël mes amis, Gloria in excelcis Deo !
Chanoine Thibaut de Ternay