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Que vos oeuvres sont belles Oh Seigneur !
par le Chanoine d'Aviau de Ternay
Nous entendons beaucoup parler d’écologie, de la place de l’homme dans son rapport à la terre, l’Église n’est pas insensible à ces sujets tant la création tient une place primordiale dans l’économie du salut.
Depuis les origines Dieu a confié à l’homme la terre pour en faire bon usage. « Faisons un homme à notre image et à notre ressemblance : et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les volatiles du ciel, et sur les bêtes, et sur toute la terre et sur tous les reptiles qui se meuvent sur la terre. » (Gn II 26)
Le terme « Faisons » marque la pluralité des personnes en Dieu. « À notre image… » L’homme est fait à l’image de Dieu en ce qu’il est doué d’une âme immatérielle, immortelle, intelligente, libre, capable de sagesse, de vertu et de béatitude, c’est-à-dire, de voir Dieu et d’en jouir.
Dieu, dit Bossuet : « a formé les autres animaux en cette sorte : que la terre, que les eaux produisent les plantes et les animaux, et c’est ainsi qu’ils ont reçu l’être et la vie. Mais Dieu, après avoir mis en ses mains toutes puissantes la boue dont le corps humain a été formé, il n’est pas dit qu’il en ait tiré son âme, mais il est dit qu’il inspira sur sa face un souffle de vie, et c’est ainsi qu’il a été fait une âme vivante. Dieu fait sortir chaque chose de ses principes : il produit de la terre les herbages et les arbres avec les animaux, qui n’ont d’autre vie qu’une vie terrestre et purement animale : mais l’âme de l’homme est tirée d’un autre principe, qui est Dieu. C’est ce que veut dire ce souffle de vie, que Dieu ne sort point des choses matérielles ; et cette image n’est point cachée dans ces bas éléments pour en sortir, comme fait une statue de marbre ou de bois. L’homme a deux principes : selon le corps, il vient de la terre ; selon l’âme, il vient de Dieu seul ; et c’est pourquoi, dit Salomon, pendant que le corps retourne à la terre d’où il a été tiré, l’esprit retourne à Dieu qui l’a donné. »
La création est donc confiée à l’homme lui-même créé avec ce double principe qui fait qu’il conduit tout à Dieu. Son rôle est donc de faire chanter la création dans une action de grâce qui participe au bonheur de Dieu.
Mais comme le dit Pascal, Dieu a fait en quelque sorte un pari avec l’homme. Il veut que librement l’homme lui dise : « j’accepte de coopérer avec toi comme un fils ».
Déjà un éclair a fendu le ciel par le péché des anges, Lucifer en tête, sans pour autant affecter la terre. Saint Michel défend l’honneur de Dieu et chasse les anges apostats en un lieu que nous appelons : enfer ! Saint Michel est la figure de David contre Goliath. Qui est comme Dieu !
Le refus d’Adam d’obéir à Dieu entraine la même conséquence que pour les anges : il est chassé de son lieu, le Paradis terrestre. De ce péché la nature est bouleversée, la création est défigurée comme le Christ le fut par sa Passion.
Le péché a détruit l’harmonie et comme une corde de guitare qui se rompt, tout s’arrête. C’est le chaos !
Cependant Dieu n’abandonne pas l’homme car il nous a créé par amour et qu’il nous aime. Il nous promet un Sauveur, son propre Fils : 2ème personne de la Sainte Trinité.
Il n’attend pas le moment de l’Incarnation de Son Fils pour nous sauver, l’épisode de Noé et de l’Arche en est un exemple marquant et capital pour notre histoire même s’il est un prolongement de Sa promesse à Adam.
En effet, l’homme est devenu pécheur et son refus de Dieu le noie dans le poison du mal allant jusqu’à commettre le fratricide. Caïn tue son frère Abel !
L’homme se joue de la nature pour assouvir ses fins égoïstes, hédonistes, phantasmatiques et, sans toujours s’en rendre compte, se regarde dans le miroir que lui tient la main du diable. Tout semble parfait dans le meilleur des mondes mais le miroir tombant avec la main du diable, l’homme se trouve face au déluge et c’est la panique, le désespoir et la mort.
Mais tous les hommes n’ont pas la folie du miroir, il se trouve Noé et sa famille pour œuvrer avec Dieu pour le salut de l’homme c’est-à-dire de l’humanité par la construction de l’Arche [1].
Il ne reçoit que moqueries des tenants du miroir mais il obéit à Dieu et mène à bien la construction de l’Arche tout comme le Christ est humilié sur le chemin de la Passion jusqu’à l’achèvement de son Sacrifice.
Cette arche symbolise l’Église qui est la « Porte du Salut ». « Aussi moi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. » (Mat. XVI 18)
L’arche de Noé c’est aussi l’alliance renouvelée depuis Adam que Dieu fait avec son peuple : (Gn IX). Alliance qui va se renouveler avec Abraham et Moïse en nous conduisant jusqu’à la nouvelle alliance qui est la nouvelle Jérusalem.[2]
Sous un angle figuratif nous pouvons dire que le Salut s’opère par la porte de l’arche de Noé qui nous conduit à la porte du Salut symbolisée par le côté transpercé de Jésus par Longin. Le salut s’opère dans le cadre d’une alliance qui donne des cadres et des structures où tout est ordonné à la gloire de Dieu.
Aujourd’hui dans notre vielle Europe qui donne le spectacle d’une chrétienté en ruine, nous avons du mal à en saisir l’importance car beaucoup de nos contemporains sont en dehors de l’Arche et donc de l’Alliance et pourtant ils sont comme vivants des dons de Dieu.
Quand on regarde l’Arche de Noé et la vie de Jésus, nous observons que tout est ordonné, harmonieux et orienté dans un cadre créé par le Tout-Puissant : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé, et d’accomplir son œuvre » (Jn IV, 34). Noé se fond dans la volonté de Dieu comme Jésus dans celle du Père. Nous même, fils de l’Alliance dans la nouvelle Jérusalem, nous sommes dans notre agir invité à tout réaliser dans le mystère du Christ qui présente tout à son Père. Le Sacrifice Rédempteur étant le couronnement de l’homme sauvé par Dieu.
Le Christ n’est pas une option que l’on peut dépasser pour vivre en fraternité entre les hommes mais consiste en la pierre angulaire pour le salut de l’homme et pour que l’on puisse vivre en frères : « Et vous approchant de lui, pierre vivante, rejetée des hommes, mais choisie et honorée de Dieu. Soyez vous-même posés sur lui, comme pierres vivantes, maison spirituelle, sacerdoce saint, pour offrir des hosties spirituelles, agréables à Dieu par Jésus-Christ. » (1 Pr. II 4-5)
La difficulté pour nous est d’assumer une nature blessée par le péché originel et affaiblie par le péché personnel. Sans l’action du Christ en nous par le truchement de la grâce nous ne pouvons rien faire de bon : « Moi je suis la vigne, et vous les sarments. Celui qui demeure en moi et moi en lui portera beaucoup de fruit ; parce que sans moi vous ne pouvez rien faire. » (Jn XV 5)
Le Christ est celui qui nous oriente vers la Maison commune qui n’est pas celle de la Terre mais celle de l’Âme : « Et quand je m’en serai allé, et que je vous aurai préparé un lieu, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous soyez aussi. » (Jn XIV 3)
En effet le Christ est le chemin qui nous guide pour aller au Père : « Moi je suis la voie, la vérité et la vie. Personne ne vient à mon Père que par moi. » (Jn XIV 6)
Mais comment Notre Seigneur est-il la voie, la vérité et la vie ?
« Étant homme et Dieu tout ensemble (union hypostatique), Notre Seigneur est à la fois médiateur et fin. Il possède tout ce qui nous manque, la gloire comme la grâce ; mais son office propre est de nous mettre en possession de tous les biens. Ainsi il est : 1° La voie ; puisqu’il nous offre le moyen de parvenir au ciel, soit en nous dirigeant par sa doctrine et ses exemples, soit en nous attirant par sa grâce, soit en nous y introduisant par ses mérites. 2° La vérité. Vérité absolue comme Verbe, il est devenu pour nous, comme Verbe incarné, la vérité révélée, la lumière de la foi. C’est lui qui connaît le Père, qui le fait connaître et qui peut mener à lui. 3° La vie. Vie essentielle et infinie, comme Dieu, il est notre vie surnaturelle, comme Homme-Dieu ; car il possède en son humanité la plénitude de la vie divine, et son but en venant parmi nous est de nous y associer, par sa grâce d’abord et par sa gloire ensuite. Tous les biens sont donc réunis en sa personne et il n’y a rien à chercher hors de lui. Quand on le possède, on échappe à tous périls, aux précipices, aux ténèbres, à la mort. Qu’on juge quelle grâce c’est de le bien connaître et pourquoi l’Apôtre ne voulait pas d’autre science. » Père Louis Bacuez (Prêtre de Saint Sulpice)
C’est dans cette réalité que l’homme peut se réaliser et se communiquer et ainsi grandir en fraternité.
Aujourd’hui nous avons une conception erronée de la fraternité à cause du siècle des lumières qui a enténébré la conscience en lui donnant un sens unique et universel.
Dans son ouvrage « Frères dans le Christ » le Cardinal Ratzinger écrit : « L’héritage intellectuel de l’Aufklärung [les Lumières, ndr] européenne a un rapport étroit avec cette idée d’une fraternité unique et universelle. C’est même par l’Aufklärung, doit-on dire, que les idées exposées ici sont systématisées de façon radicale et trouvent à l'extérieur une diffusion efficace. La révolution française écrit « Liberté, Égalité, Fraternité » sur ses drapeaux et fait, dès lors, de l’égalitaire sentiment fraternel de tous les hommes un programme de politique révolutionnaire. Que cette qualité de frères tire son origine de la paternité commune de Dieu, c’est là une idée qui, dans l’Aufklärung, passe à l'arrière-plan. Quand Schiller chante, dans son Hymne à la joie : « Frères, au-dessus de la voûte étoilée doit habiter un Père aimé », cela rend un son passablement irréel. En outre, la fraternisation passe avant cette confession. Ainsi la fraternité universelle est-elle considérée essentiellement d’en bas, issue de l’égalité d’origine et de nature de tous les hommes. Elle signifie un recours, par-delà l'histoire, à la nature de l'homme présupposée à l'histoire. Son contenu est alors celui-ci : toutes les différences entre les hommes ont leur origine dans une simple situation de fait, c'est-à-dire dans l’arbitraire de l’histoire. La différence entre les hommes est — pour parler comme Kant — quelque chose de purement "statutaire" ; avant elle et au-dessus d’elle, il y a l'égalité naturelle de tous. Restaurer et faire toujours respecter l'égalité naturelle, l’originelle fraternité de tous les hommes, tel est le but de la Révolution française ; il s’agit donc de faire triompher la nature originelle contre les superfétations de l’histoire. L’Aufklärung ne se pose pas la question de savoir si vraiment la nature doit être ainsi placée absolument et sans plus au-dessus de l’histoire. On le voit, le problème posé par le sens élargi du mot "frère" est résolu ici d’une manière très radicale : la qualité de frère ne fonde plus deux zones distinctes de comportement moral, mais, en son nom précisément, toutes les barrières sont détruites et le comportement moral, dont les impératifs valent identiquement à l’égard de tous les hommes, est totalement unifié. Abolir ainsi résolument les barrières représente indubitablement quelque chose de très grand, mais le prix en est élevé : le sentiment fraternel démesurément étendu devient irréel et vide de sens. La naïveté idéaliste du mot de Schiller : "Foules, embrassez-vous" a déjà suffisamment été dénoncée sous ce rapport. En fait, nul ne peut plus prendre au sérieux un sentiment fraternel qui prétend s’étendre à tous également ».[3]
Pour avoir une idée plus juste de la fraternité, il faut revenir à l’Évangile qui la lie à la christologie ce qui donne en face de l’idéologie des lumières une tout autre atmosphère spirituelle.
« Dans les écrits johanniques, le progrès jusqu'ici décrit pour une notion de plus en plus ferme de la fraternité chrétienne parvient visiblement à son terme, Non seulement le mot "frère" y est définitivement réservé aux frères dans la foi chrétienne ; mais, surtout, il est frappant que Jean exige toujours l'amour fraternel, l'amour des chrétiens entre eux, et qu’il ne parle jamais de l’amour des hommes en général. » [4]
« Le sentiment chrétien de fraternité est établi, en définitive et au fond, sur la foi, qui nous donne la certitude de notre filiation réelle à l'égard du Père céleste et de notre fraternité réciproque. » [5]
Cette notion de la fraternité rejoint le thème de l’amitié spirituel qui pour atteindre sa perfection impose quatre échelons : le choix, la mise à l’épreuve, l’admission et la pleine conformité de sentiments, accompagnée de bienveillance et de charité, à propos des choses divines et humaines.[6] Cela entraine comme conséquence que l’on ne peut pas être ami avec celui qui ne nous conduit pas au bien dans la conformité à ce qui est la source et l’origine de l’amitié : l’Amour.
Doit-on fermer la porte à un non catholique, ou même à un catholique non-pratiquant. Bien sûr que non mais avec saint Paul nous disons : « Pratiquons le bien à l’égard de tous, et surtout de nos frères dans la foi. » [7] parce que la fraternité chrétienne accomplit son devoir envers la totalité principalement par la mission, la charité et la souffrance et en même temps en s’identifiant à l’amitié spirituelle, elle est possible que sous le regard de Dieu dans le plan de l’Alliance au sein de l’Arche de Noé.
En effet, « en dépit de toute son ouverture et de tout son universalisme, la notion de fraternité, ne s’étend pas sans aucune limite à tous les hommes. Tout homme peut devenir chrétien, mais celui-là seul qui le devient effectivement est frère ».[8]
Cela nous amène à une autre réalité que nous vivons aujourd’hui qui est la mondialisation. Nous la vivons sous plusieurs aspects comme l’économie de marché qui désigne un système économique où les décisions de produire, d’échanger et d’allouer des biens et services rares sont déterminées majoritairement à l’aide d’informations résultant de la confrontation de l’offre et de la demande telle qu’établie par le libre jeu du marché.
Le Pape Benoit XVI, dans son encyclique « Caritas in veritate » au N° 35 dit : « Lorsqu’il est fondé sur une confiance réciproque et générale, le marché est l’institution économique qui permet aux personnes de se rencontrer, en tant qu’agents économiques, utilisant le contrat pour régler leurs relations et échangeant des biens et des services fongibles entre eux pour satisfaire leurs besoins et leurs désirs. Le marché est soumis aux principes de la justice dite commutative, qui règle justement les rapports du donner et du recevoir entre sujets égaux. Mais la doctrine sociale de l’Église n’a jamais cessé de mettre en évidence l’importance de la justice distributive et de la justice sociale pour l’économie de marché elle-même, non seulement parce qu’elle est insérée dans les maillons d’un contexte social et politique plus vaste, mais aussi à cause de la trame des relations dans lesquelles elle se réalise. En effet, abandonné au seul principe de l’équivalence de valeur des biens échangés, le marché n’arrive pas à produire la cohésion sociale dont il a pourtant besoin pour bien fonctionner. Sans formes internes de solidarité et de confiance réciproque, le marché ne peut pleinement remplir sa fonction économique. Aujourd’hui, c’est cette confiance qui fait défaut, et la perte de confiance est une perte grave. »
Cette confiance qui fait défaut s’exprime dans le refus du don comme l’exprime si bien Benoît XVI dans la même encyclique au N°34.
L’amour dans la vérité place l’homme devant l’étonnante expérience du don. La gratuité est présente dans sa vie sous de multiples formes qui souvent ne sont pas reconnues en raison d’une vision de l’existence purement productiviste et utilitariste. L’être humain est fait pour le don ; c’est le don qui exprime et réalise sa dimension de transcendance. L’homme moderne est parfois convaincu, à tort, d’être le seul auteur de lui-même, de sa vie et de la société. C’est là une présomption, qui dérive de la fermeture égoïste sur lui-même, qui provient – pour parler en termes de foi – du péché des origines. La sagesse de l’Église a toujours proposé de tenir compte du péché originel même dans l’interprétation des faits sociaux et dans la construction de la société : « Ignorer que l’homme a une nature blessée, inclinée au mal, donne lieu à de graves erreurs dans le domaine de l’éducation, de la politique, de l’action sociale et des mœurs » [9] … À la liste des domaines où se manifestent les effets pernicieux du péché, s’est ajouté depuis longtemps déjà celui de l’économie. Nous en avons une nouvelle preuve, évidente, en ces temps-ci. La conviction d’être autosuffisant et d’être capable d’éliminer le mal présent dans l’histoire uniquement par sa seule action a poussé l’homme à faire coïncider le bonheur et le salut avec des formes immanentes de bien-être matériel et d’action sociale. De plus, la conviction de l’exigence d’autonomie de l’économie, qui ne doit pas tolérer « d’influences » de caractère moral, a conduit l’homme à abuser de l’instrument économique y compris de façon destructrice. À la longue, ces convictions ont conduit à des systèmes économiques, sociaux et politiques qui ont foulé aux pieds la liberté de la personne et des corps sociaux et qui, précisément pour cette raison, n’ont pas été en mesure d’assurer la justice qu’ils promettaient. Comme je l’ai affirmé dans mon encyclique Spe salvi, de cette manière on retranche de l’histoire l’espérance chrétienne [10], qui est au contraire une puissante ressource sociale au service du développement humain intégral, recherché dans la liberté et dans la justice. L’espérance encourage la raison et lui donne la force d’orienter la volonté [11]. Elle est déjà présente dans la foi qui la suscite. La charité dans la vérité s’en nourrit et, en même temps, la manifeste. Étant un don de Dieu absolument gratuit, elle fait irruption dans notre vie comme quelque chose qui n’est pas dû, qui transcende toute loi de justice. Le don par sa nature surpasse le mérite, sa règle est la surabondance. Il nous précède dans notre âme elle-même comme le signe de la présence de Dieu en nous et de son attente à notre égard. La vérité qui, à l’égal de la charité, est un don, est plus grande que nous, comme l’enseigne saint Augustin [12]. De même, notre vérité propre, celle de notre conscience personnelle, nous est avant tout « donnée ». Dans tout processus cognitif, en effet, la vérité n’est pas produite par nous, mais elle est toujours découverte ou, mieux, reçue. Comme l’amour, elle « ne naît pas de la pensée ou de la volonté mais, pour ainsi dire, s’impose à l’être humain » [13].
Le drame de notre époque est que cette notion du don se trouve absente voir rejeté car l’homme moderne refuse la notion de Dieu, refuse l’incarnation et donc sa filiation divine. Les conséquences pour l’homme et par ricochet pour la nature qui l’environne sont désastreuses. Nous ne sommes plus dans l’économie du salut dont la porte se trouve sur le côté de l’Arche de Noé et donc dans le cœur de Dieu par le côté transpercé de Jésus mais dans la tour de Babel qui est l’économie du mal où règne l’abomination de la désolation. Il n’y a plus d’Éspérance !
Il y a une rupture avec l’Alliance que Dieu a passé avec Noé : « Et Dieu bénit Noé et ses fils, et il leur dit : Croissez, multipliez-vous, et remplissez la terre. » (Gn IX 1). La tour de Babel est le rejet de l’Alliance entrainant comme conséquence l’impossibilité de croitre. En effet sans alliance avec Dieu, nous ne sommes plus fils. Le rejet du père dans la société par la PMA est un effet de cette cause. Autre conséquence c’est la stérilité. La vie, fruit du don est asphyxiée : l’avortement, l’euthanasie…Ultime conséquence : l’espace, le cosmos se limitent en ghetto, en confinement, l’homme efface sa présence par la perte de son identité notamment par la théorie du genre, par le port du masque et plus grave par l’homme augmenté qui passera entre autres par la modification de sa carte génétique.
De cette tour de Babel il en résulte néanmoins une bonne nouvelle : le mal ne triomphe pas et la vie reprends le dessus dans tous les pays.[14]
A juste titre Chesterton nous dit au sujet des révolutions dans les pays de chrétienté : « Le destin de la chrétienté a été précisément le contraire. Il a été remarqué par une série de révolutions, et, dans chacune, le christianisme est mort. Il est mort un certain nombre de fois, et il est ressuscité ; car il y avait un Dieu qui sait comment on sort de la tombe. Mais le premier fait extraordinaire qui marque cette histoire, c’est que l’Europe a été plusieurs fois retournée sens dessus dessous, et qu’à la fin de chacune de ces révolutions, c’est toujours la foi chrétienne qu’on retrouvait en haut. La foi est toujours en train de convertir l’époque… » [15]
En tout gardons l’Espérance et prions avec le Psaume 94[16] que nous chantons à l’Office des matines comme invitatoire :
« Venez, réjouissons-nous devant le Seigneur ; poussons des cris de joie vers Dieu, notre Sauveur (salut). Allons au-devant de lui avec des louanges, et chantons des cantiques à sa gloire (dans des psaumes poussons des cris d’allégresse vers lui). Car le Seigneur est le grand Dieu, et le grand roi au-dessus de tous les dieux. Dans sa main sont tous les confins de la terre, et les sommets des montagnes lui appartiennent. A lui est la mer, et c’est lui(-même) qui l’a faite, et ses mains ont formé le continent. Venez, adorons et prosternons-nous, et pleurons devant le Seigneur qui nous a faits ; car il est (lui-même) le Seigneur notre Dieu, et (que) nous, nous sommes le peuple de son pâturage, et les brebis de sa main. Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, gardez-vous d’endurcir vos cœurs, comme lorsqu’ils excitèrent ma colère, au jour de la tentation dans le désert, où vos pères m’ont tenté (me tentèrent), m’ont mis (me mirent) à l’épreuve, et ont vu (virent) mes œuvres. Pendant quarante ans je fus irrité contre cette génération ; et je dis : Leur cœur ne cesse de s’égarer. Et ils n’ont point connu mes voies ; de sorte que j’ai juré dans ma colère : Ils n’entreront point dans mon repos. » [17]
Oui réjouissons-nous car aujourd’hui l’homme est encore capable de faire des choix de vie c’est-à-dire d’être sur un chemin de conversion où le fils avance dans l’amour du Père rendant fécond son entreprise dans l’espace, le cosmos que Dieu lui confie pour qu’il puisse se réaliser dans la filiation divine.
Oui, « Les racines s’alimentent de la vérité, qui constitue la nourriture, la sève vitale de n’importe quelle société qui désire être vraiment libre, humaine et solidaire ».[18] En effet le Seigneur nous dit en Saint : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie...» (Jn XIV 1-12)
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1] - Origène a beaucoup insisté sur la compréhension de l’image de Noé : « Le Seigneur décrit d’une seule et même façon le déluge qui a précédé et la fin du monde qu’il annonce pour l’avenir. Ainsi donc, comme il fut dit alors à l’antique Noé de faire une arche et d’y introduire avec lui non seulement ses fils et ses proches, mais des animaux de toute espèce ; de même à la consommation des siècles, a-t-il été dit par le Père à notre Noé, qui est véritablement le seul Juste et le seul Parfait, le Seigneur Jésus-Christ, de se faire une arche de bois équarri et de lui donner des mesures pleines de mystères célestes. C’est ce qui est indiqué dans le Psaume où il est dit : ‘Demande et je te donnerai des nations en héritage, et pour domaine les extrémités de la terre’ (Ps 2, 8) » (Homélies sur la Genèse, II, 3).
[2] Dans le Traité CXX sur Saint Jean, Saint Augustin dit : « C’est avec dessein que l’évangéliste ne dit point : la lance frappa le côté du Jésus, ou : la lance le blessa, mais qu’il assure expressément qu’elle l’ouvrit. Car de ce côté ouvert, comme d’une porte de vie, sont sortis les Sacrements sans lesquels personne ne peut entrer dans la véritable vie. Cette eau salutaire tempère la soif ; elle nous purifie et nous sert de breuvage. La blessure du côté était figurée par l’ouverture que Noé reçu ordre de faire sur l’un des flancs de l’arche et par laquelle entrèrent les êtres animés qui ne devaient pas périr dans le déluge ; cette blessure, par le côté d’Adam, d’où la première femme fut tirée. Ève fut appelée « la vie » ou « mère des vivants ». Ainsi Jésus-Christ, le second Adam, vit la sainte Église, son auguste Épouse, sortir de son côté, lorsqu’il sommeillait sur la croix »
[3] Joseph Ratzinger, Frères dans le Christ, Paris, les éditions du Cerf, 1962 pages 24-25
[4] Idem p. 49
[5] Idem p. 66
[6] Aelfred de Rievaulx, L’amitié spirituelle, vie monastique N°30, p. 57, Ed. Abbaye de Bellefontaine.
[7] Gal VI 10.
[8] Joseph Ratzinger, Op. cit., p. 48.
[9] Catéchisme de l’Église catholique, n. 407. Cf. Jean-Paul II, Lett. enc. Centesimus annus (1er mai 1991), n. 25: loc. cit., 822-824. DC 88 (1991), pp. 530-531.
[10] Cf. n.17: AAS 99 (2007), 1000. DC 105 (2008) p. 22.
[11] Cfr. ibid., n. 23: loc. cit., 1004-1005. DC 105 (2008) pp. 24-25.
[12] Saint Augustin expose de façon détaillée cet enseignement dans le dialogue sur le libre arbitre (De libero arbitrio II 3, 8 ss.). Il indique l’existence dans l’âme humaine d’un « sens interne ». Ce sens consiste en un acte qui se réalise en dehors des fonctions normales de la raison, acte spontané et quasi instinctif, pour lequel la raison, se rendant compte de sa condition éphémère et faillible, admet au-dessus de soi l’existence de quelque chose d’éternel, d’absolument vrai et certain. Le nom que saint Augustin donne à cette vérité intérieure est parfois celui de Dieu (Confessions X, 24, 35; XII, 25, 35; De libero arbitrio II 3, 8, 27), plus souvent celui du Christ (De magistro 11, 38; Confessions VII, 18, 24; XI, 2, 4)
[13] Benoît XVI, Lett. enc. Deus caritas est (25 décembre 2005), n. 3: loc. cit., 219. DC 103 (2006) p. 167.
[14] Gn XI, V 9.
[15] G.K. Chesterton, l’homme qu’on appelle LE CHRIST, Nouvelles éditions latines pages 167-168
[16] On pourra aussi prier avec les 35 versets du Psaume 103, « véritable Hymne de la création ». Louis-Claude Fillion (prêtre de Saint-Sulpice), dans son commentaire, ne manque pas de noter que le dernier verset est un » anathème aux pécheurs qui profanent et déshonorent la création (œuvre de la puissance infinie de Dieu) et en troublent la radieuse harmonie ».
[17] Traduction tirée de la bible de l’abbé Fulcran Vigouroux
[18] Pape François, Discours au Conseil de l’Europe, novembre 2014