Saint Avent

 

Chers Amis,

Voici que nous entrons dans le temps de l’Avent. Voici qu’en l’espace de quatre semaines nous allons revivre ces milliers d’années qui se sont écoulées entre la promesse d’un sauveur, au soir de la chute, au soir du premier péché et l’avènement du Messie. D’aucun pourrait peut-être se demander : A quoi bon ? Pourquoi se donner tant de peine ?

Cette question désabusée était déjà sur les lèvres d’un bon nombre de juifs au temps de l’Incarnation. A quoi bon attendre un sauveur ? A quoi bon espérer le salut ? On savait pourtant que la venue du Messie ne devait pas tarder. Les temps de la prophétie de Jacob étaient en effet venus puisque Hérode, un étranger avait ravi le trône : « Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu'à ce que soit venu celui qui doit être envoyé ; et c'est lui qui sera l'attente des nations. » Mais voilà, depuis quatre siècles la prophétie s’était tue. Alors on cédait tantôt au désespoir, à la résignation, tantôt au désintérêt et à l’incrédulité.

Néanmoins, ne mettons l’ensemble des contemporains de Notre Seigneur « dans le même sac » ; les évangiles nous présentent en effet toute une série de personnages qui, eux, attendent silencieusement mais avec ferveur la venue du Christ.

Il y a bien sûr la Vierge Marie, « bénie entre toutes les femmes » et « pleine de grâces » et « Joseph, son époux était juste. » Citons encore Zacharie et Elisabeth : « l’un et l’autre étaient sans reproche dans tous les commandements et préceptes du Seigneur ». N’oublions pas enfin Siméon, attendant impatiemment la consolation d’Israël, il était « juste et craignant Dieu » ainsi que la prophétesse Anne, qui «ne s’éloignait jamais du temple, servant Dieu nuit et jour dans les jeûnes et les prières. »

Vous l’aurez remarqué, un qualificatif revient régulièrement « juste », « sans reproche ». Cette question de la justice taraude tout l’ancien Testament… Le saint c’est le juste. Cette idée de justice nous ramène à la question suivante : en fais-je assez pour Dieu ? Est-ce que je donne assez à Dieu ?

Au fond, cette question hante tout homme à partir du moment où il reconnaît l’existence de Dieu. On ne peut guère y échapper à moins de s’étourdir, de s’aveugler. Cette question, force est de le constater, peut susciter un véritable désarroi car de toute évidence, nous n’en ferons jamais assez pour Dieu. De plus, au-delà des apparences, au-delà d’une justice toute extérieure et tapageuse, on pressent l’exigence d’une justice plus spirituelle : Dieu ne peut se contenter d’offrandes matérielles mais demande un dévouement total, Il doit être aimer par-dessus tout, ou alors Il n’est pas Dieu.

Le chrétien se pose cette question… mais différemment. Il sait bien qu’il n’en fera jamais assez pour Dieu, qu’il aura toujours une dette infinie à son égard. Mais il est convaincu que le Christ, lui, a satisfait pour nous, littéralement, il en a « fait assez ».

Il est notre justice. Le chrétien sait donc qu’il peut s’avancer sans crainte devant Dieu. Il a une confiance illimitée dans les mérites de Jésus auxquels il a part. Depuis son baptême, et tant qu’il demeure dans la grâce, il est en effet uni, incorporé au Christ, « Fils bien-aimé en qui le Père met toutes ses complaisances ».

Néanmoins, le chrétien est conscient que tant qu’il vit sur terre cette union demeure fragile, cette union peut être étouffée, rompue ; non à cause de Dieu, mais par sa faute. Il sait aussi qu’il pourrait faire tellement davantage, que cette union pourrait être tellement plus forte. Le chrétien s’aperçoit qu’il a tant à faire pour parvenir à cet idéal de sainteté qu’illustre magnifiquement cette phrase de S. Paul : « ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi… »

Chers amis, nous avons le désir d’être justes aux yeux de Dieu, de rendre à Dieu ce qui lui est dû, de « traiter Dieu en Dieu. Nous reconnaissons par ailleurs notre indigence, la pauvreté de notre union au Christ, source de toute justice et de toute sainteté. Alors, voilà notre Avent justifié ! A Noël, le Christ viendra renouveler sa présence, sa grâce en nos âmes, mais il n’accorde ses dons qu’à ceux qui y sont disposés !

Sainte entrée dans le temps de l’Avent !

 

« Mon Dieu, tournez-vous vers nous pour nous donner la vie ; et votre peuple en vous trouvera la joie. Faites-nous voir votre miséricorde, Seigneur, et donnez-nous votre Sauveur. » Offertoire du deuxième dimanche de l’Avent

 

Chanoine Alban Colomb