Pâques

alt Victoire définitive du Christ ressuscité sur le prince de ce monde, victoire éternelle de la Vie sur la mort, victoire de la grâce sur le péché. La gloire de Dieu resplendit sur notre vallée de larmes, les accents de la joie étouffent les lamentations de l’angoisse, la musique éclatante du salut retentit partout.
Bien sûr aujourd’hui, le bruit ambiant des pauvres rythmes dits musicaux que ne cessent de diffuser la radio, la télévision, nos ordinateurs ou nos lecteurs MP3, couvre au centuple le silence propice à la méditation que la liturgie de l’Eglise suscite au temps de carême ;
mais imaginons un instant le contraste que produisait, à l’époque, le florilège des concerts publics offert dès le dimanche de Pâques après ce temps de pénitence que n’égayait pas un seul instrument, que ne soulageait quasiment pas un seul chant. Faisons nôtre cet état d’esprit, et après que soit comblée notre âme par l’assouvissement sacramentel de son attente spirituelle, exerçons nous à ressentir la même soif sensible d’un véritable ravissement musical : celui qui accompagne notre intelligence dans sa compréhension des récits du mystère pascal, celui qui hisse notre cœur dans son appréhension des réalités surnaturelles de la victoire toute d’amour du Dieu fait Homme.
Et quel ravissement nous propose ce jeune prodige de 23 ans que nous ne connaissons souvent qu’au travers de quelques extraits populaires d’une œuvre qu’il a produite en toute maturité quand il approchait la soixantaine : son Messie. Georg Friedrich Händel (1685 - † 1759), alors en Italie en plein perfectionnement d’un art qu’il maîtrise déjà, est sollicité pour composer un oratorio de Pâques. Le drame musical "sacré" (ou plutôt religieux car non liturgique) « La Resurrezione di Nostro Signor Gesu Cristo », écrit en à peine un mois, est présenté à Rome le jour même de Pâques, 8 avril 1708 ; et le jeune compositeur ne lésine pas sur les moyens propres à ravir les cœurs de ses commanditaires et auditeurs : le foisonnement des instruments est impressionnant – en plus des cordes, hautbois, flûtes à bec, flûtes traversières, bassons, clavecin et orgue sollicités ordinairement, des timbales, des trompettes, un chitarrone, un trombone et un régale (petit orgue positif composé d’un seul jeu dit "de trompettes" au son bien particulier) apportent leurs sonorités éclatantes ou étranges – et les effets orchestraux sont nombreux : cordes fougueuses interrompant de façon soudaine une aria sereine, hautbois en sourdine et flûtes à l’unisson pour accompagner la douleur de Sainte Marie Madeleine, viole de gambe interprétant une basse chiffrée indépendante de la ligne mélodique d’un Saint Jean qui appelle à la constance et à l’espérance, ou trombone accompagnant le fameux régale pour soutenir les récitatifs d’un furieux Lucifer … tout cela dans la seule première partie : ce Samedi Saint à la fois plein d’attente, d’espoir, d’assurance et d’effroi ! Bref, une musique de Pâques qui emporte le cœur, l’esprit et l’âme…rassurez-vous, le corps est bien ancré ici-bas pour vous y ramener, à la fin.

Parmi les nombreuses versions disponibles (toutes ne me sont pas connues), trois ont ma préférence : les excellentes interprétations de Marc Minkowski et ses Musiciens du Louvre ou d’Emmanuelle Haïm et son Concert d’Astrée et la plus ancienne mais non moins impressionnante version de Ton Koopman et son orchestre baroque d’Amsterdam (on la trouve à moins de 6,00 € !). X.B.